L’Aïgo-Bouïdo ou « La soupe qui sauve la vie »

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Vous aimez l’ail ? Moi aussi. Mais vous évitez d’en manger à cause des exigences de votre vie publique ? Moi aussi.

Nous voilà, mon mari et moi, confinés chez nous, tout comme vous. Nous entamons notre quatrième semaine d’isolement, tout comme vous ! Nos obligations ont toutes été annulées, et, outre de furtives visites pour nous porter des victuailles, personne ne frappe à notre porte.

Alors… dans un élan se voulant optimiste, d’un commun accord, nous avons décidé de manger de l’ail sans craindre son odeur sur notre haleine et le froncement de sourcils réprobateur, si cela devait arriver alors que nous sommes en public.

Nous attaquons dans un élan libérateur la tresse d’ail suspendue sur le bahut de la cuisine, et allègrement, nous nous régalons d’ail frais écrasé sur de belles tranches de pain intégral au levain badigeonnées d’huile d’olive. Nous forçons la dose dans les ragoûts de légumes racines, les soupes à l’orge, et les sauces tomate. Mais – quelle puissante source de réconfort ! – rien ne bat l’aïgo-bouïdo, ce bouillon d’ail millénaire, spécialité thérapeutique de la cuisine méditerranéenne.

On a beau l’appeler « la rose puante », « le camphre* du pauvre », « la mélasse rustique », l’ail domine depuis plus de 4000 ans la table et la pharmacopée de nombreux peuples. Le papyrus égyptien du Codex Ebers décrit 22 formulations à base d’ail comme remède efficace pour les problèmes cardiaques, les migraines, et les morsures de serpent. Sortis d’Égypte, les Israélites se souviennent avec regret « des poireaux, des oignons, et de l’ail », qu’ils mangeaient « pour rien » lors de leur esclavage dans cette dynastie. Dans la Grèce ancienne, on mangeait de l’ail pour traiter les troubles intestinaux et pulmonaires, et plus près de nous, pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’ail a été utilisé comme antiseptique pour les blessures et les ulcères des soldats(1).

Aujourd’hui, en 2020, les scientifiques attribuent à l’ail des capacités antimicrobiennes, antiprotozoaires (détruit les amibes, etc.), antifongiques (détruit les champignons), analgésiques, antihypertensives, anticoagulantes, antioxydantes, anticancérigènes, antigénotoxiques (l’ail empêche la provocation de l’apparition de lésions dans l’ADN qui peuvent éventuellement entraîner des mutations)(2).

Ces effets sont liés aux composés organiques du soufre mais aussi et peut-être surtout – et je vous en reparlerai bientôt – à la présence de S-Allylcystéine (SAC) la version végétale et naturelle de la NAC – N-acéthylcystéine –, un dérivé synthétique de la cystéine. La cystéine est un acide aminé non essentiel, présent en abondance dans l’ail, l’oignon, le poireau, les crucifères (chou rouge, chou vert, choux de Bruxelles, brocoli), le germe des céréales, la levure nutritionnelle, les graines(3).

Depuis les années 1990, la NAC soulève un intérêt grandissant dans le traitement de nombreuses affections dont le SIDA4, les troubles neuropsychiatriques (compulsions, dépendances, trouble bipolaire, etc.) et neurodégénératifs (Maladie d’Alzheimer et maladie de Parkinson), et plus encore(4) !

L’ail est très riche en SAC. Ainsi, peut-on mettre en doute cette appellation de l’aïgo-bouïdo « la soupe qui sauve la vie » ? Je vous invite à profiter du confinement et de la distanciation sociale qui nous contraignent tous pour finalement et sans remords faire une bonne cure d’ail ( 2 gousses par pour par personne), et cela, avec ceux qui vous tiennent compagnie. Vous le savez bien, l’odeur de l’ail ne se détecte pas quand tout le monde en a mangé…

Recette de l’aïgo-bouïdo

– 5 tasses d’eau
– 1 feuille de laurier
– 3 brins de thym
– 8 feuilles de sauge
– 6 gousses d’ail
– 4 tranches épaisses de pain complet
– 4 c. à soupe d’huile d’olive Sel au goût

Peler les gousses d’ail et les écraser grossièrement. Dans une casserole verser les 5 tasses d’eau et les 6 gousses d’ail écrasé. Faire bouillir 10 minutes. Ajouter les herbes aromatiques et le sel. Retirer du feu. Laisser infuser 5 minutes. Ôter les herbes. Dans le fond d’une assiette creuse, placer une tranche de pain complet. L’arroser d’huile d’olive vierge et la saupoudrer de levure alimentaire. Verser le bouillon d’ail dessus. Consommer chaud. Donne 4 portions. Délicieux et réconfortant en temps de crise.

* Dans cette expression, l’ail est assimilé au camphre qui a des propriétés antiseptiques tuant et prévenant la croissance des bactéries, champignons et virus sur les surfaces externes du corps. Le camphre a été utilisé lors de l’épidémie de choléra-morbus (1831-1832) et lors de la grippe asiatique en 1957-1958.

RÉFÉRENCE

1.Morales-Gonzalez, et coll., Garlic (Allium sativum L.): A Brief Review of Its Antigenotoxic Effects, Foods, août,8,8 343, 2019.
2. Ibid.
3. Ray B. et coll., The Aged garlic Extract (AGE) and One of Its Active Ingredients S-allyl-L-cysteine (SAC) as potential preventive and Therapeutic Agents for Alzheimer’s Disease (AD), Curr Med Chem, 18,22, 3306=3313, 2011.
4. Mokhhtari V. et cool., A Review on Various Uses of N-Acetyl Cysteine, Cell J, avril-juin, 19,1,11-17, 2016.

© 2020 Danièle Starenkyj


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