La quarantaine : une invitation au repos ?

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Nous vivons une époque de labeur tyrannique. On a tous l’impression de ne plus avoir le droit de « ne rien faire ». On se doit d’avoir un programme à suivre, un agenda bien rempli à respecter, un emploi du temps sans trous, sans créneaux, sans attentes, sans silences.

On est en plein dans la compétition, pas seulement avec les autres, mais pire, avec soi-même, et cela sans se donner aucun répit. Quelle que soit l’activité poursuivie, elle devient source de rivalité et de concurrence qui mènent tout droit à l’hypertension et ses multiples maux.

Un cerveau qui ne connaît pas le repos est en contraction. Il croit que la seule réalité valable est le travail, et que sa valeur ne se mesure qu’à son utilité dans la chaîne de production. Pour être en expansion – pour faire l’expérience de la créativité, de l’originalité, de l’individualité – le cerveau doit absolument être nourri par les TEMPS DU REPOS(1).

Ces temps sont au nombre de quatre, et ils nous assurent la robustesse psychologique. Alors, peut-être, malgré ses contraintes, la quarantaine liée à la COVID-19 pourrait nous amener à un réajustement de nos valeurs et à la guérison de nos anxiétés de performance. Qui sait ?

La nuit

La nuit est un temps du repos fondamental très souvent troublé par notre excès de travail ou de loisir auxquels on sacrifie les meilleures heures de notre sommeil. En 2007, le travail de nuit rejoignait la liste des substances cancérogènes dans le groupe 2A, soit « Probablement cancérogène pour les humains »(2). Le cancérologue Richard Stevens avait avancé en 1987 cette hypothèse étonnante, maintenant acceptée, d’une relation entre le travail de nuit et le cancer du sein chez les femmes et de la prostate chez les hommes. La cause de ces cancers serait des taux plus faibles de mélatonine, cette hormone du sommeil et du rajeunissement aux propriétés antioxydantes mais aussi anticancéreuses et immunostimulantes – hormone qui est sous le contrôle direct de la lumière du jour et de l’obscurité de la nuit, l’une et l’autre étant indispensables à sa production optimale.

C’est bête à dire, mais au 21e siècle, on nous dit que la santé c’est vraiment se coucher avec les poules et se lever avec le coq ! En quarantaine, pourquoi ne pas prendre la résolution de cesser de nier sa fatigue et de se coucher tout simplement dès les premiers bâillements ?

Le rythme circadien, ce rythme de la nuit et du jour sur une période voisine de 24 heures, est fondamental pour la santé du corps mais aussi, et peut-être encore plus, pour la santé de l’esprit.

Le rythme circaseptidien

Le 24/7, vous connaissez ? C’est officiel, ce rythme insensé, qui nous coupe des nôtres et nous amène à les négliger douloureusement, est cause de dépression profonde et de burnout liés à des sentiments de dépersonnalisation. Pourquoi ? Notre corps a une horloge hebdomadaire – le rythme circaseptidien qui s’étale sur sept jours environ. En médecine, on reconnaît, entre autres, qu’un opéré aura tendance à faire plus d’enflure le septième jour et le quatorzième jour après sa chirurgie et que les médicaments employés pour la traiter agiront selon un rythme de sept jours(3).

Il existe un rythme de travail millénaire remontant à la nuit des temps : six jours de travail et un jour de repos. Le repos devient un synchronisateur qui garde, lorsque l’on se repose de façon systématique le septième jour, nos rythmes hebdomadaires bien coordonnés. Alors la quarantaine, ne serait-elle pas un bon temps pour que le travail perde à nos yeux de ses exigences voraces, et ainsi ne devienne jamais tyrannique car contenu, limité, restreint à six jours par semaine ?

L’heure de la récréation

C’est l’arrêt béni qui permet aux écoliers de jouer dehors librement puis de revenir en classe calmes, heureux, et disposés à l’étude. Les meilleurs résultats scolaires au monde sont obtenus en Finlande : les enfants après 45 minutes de cours peuvent aller JOUER dehors pendant 15 minutes(4). Pour nous adultes, l’heure de la récréation c’est le don d’« un temps dont on peut librement disposer en dehors de ses occupations habituelles et des contraintes qu’elles imposent ». Le travail, quel qu’il soit, pour rester productif, doit lui aussi être interrompu régulièrement pour permettre à l’esprit de s’évader et de se « rafraîchir ». Détourner la tête de son écran, et regarder par la fenêtre, apprécier le mouvement des nuages, les jeux de la lumière du soleil sur les arbres ou les bâtiments, écouter le chant des oiseaux – rien de meilleur pour se détendre et revenir à ses moutons recréé et apte à un meilleur labeur… Certes, en quarantaine, il est interdit de sortir, mais devant la fenêtre ouverte, on peut faire régulièrement quelques mouvements de gymnastique, des respirations profondes, et découvrir qu’à fixer le vaste ciel, l’esprit s’élargit et génère de nouvelles pensées.

Les minutes de recueillement

Alors que l’on reconnaît à nouveau la place de la spiritualité en médecine, à la suite d’un nombre impressionnant d’études qui ont établi que la prière — celle que le malade fait et celle que l’on fait pour lui — est aussi puissante pour sa guérison qu’un médicament ou qu’une chirurgie, ce temps du repos n’est pas à négliger non plus(5). Se recueillir et ouvrir son cœur à Dieu comme on le ferait à son plus intime ami est curatif de l’anxiété, de la colère, de la peur. Nous le savons tous, les tristesses, les soucis, les sujets de préoccupations, les perplexités, les craintes, sont multiples, constants, et souvent insolubles. Les dire, les exposer, les présenter à Dieu qui écoute et qui veut agir en notre faveur peut nous redonner le courage qui nous manque, la consolation qui nous échappe, la sagesse dont nous avons besoin.

Peu importe le lieu, ou les circonstances, on peut toujours puiser dans ces quelques minutes recueillement la force et la paix qui nous permettront de ne pas lâcher, de ne pas se désoler, de rester au poste, de continuer à garder espoir.

En ce temps de quarantaine, prenons la décision d’intégrer dans cette nouvelle routine, les quatre temps du repos. Et voyons si nous n’en ressortons pas refait à neuf…

RÉFÉRENCE

1. Starenkyj D., La santé totale, Le repos salutaire, Orion, 2009.
2. International Agency for Research on Cancer / American Cancer Society.
3. Neil Nedley, Proof Positive, p. 503, 504, 1999.
4. Pasi Sahlberg, William Doyle, LET THE CHILDREN PLAY, Oxford University University Press, 2019.
5. David I. Levy, Plus que matière grise, Orion, 2015.

© 2020 Danièle Starenkyj

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